31 juillet 2007

 

Je déclare ouvert le festival du service minimum

Le service minimum garanti dans les transports publics est un de ces sujets qui déclenchent invariablement les raisonnements les plus idiots. Alors que le débat sur ce sujet s'ouvre à l'assemblée, on peut s'attendre à assister à un véritable déluge d'âneries.

Il y a un an, j'avais conclu le festival du CPE en décernant sur ce blog des mammouths d'or aux meilleurs acteurs de cette pièce tragi-comique. Alors que le festival du service minimum ouvre à peine ses portes, une brève revue de presse sur les sites des journaux français fournit déjà de la matière pour de nombreux mammouths d'or.

A l'instar des juges d'une compétition de patinage artistique qui, en début de compétition, n'accordent pas la note maximale à une performance superbe pour laisser ouverte la possibilité d'une performance ultérieure encore supérieure, je ne pensais pas attribuer de mammouths avant le dénouement du drame qui s'annonce.

Une prodigieuse idée me contraint à rompre avec cette attitude prudente et raisonnable. Chers amis, nous tenons un champion.

Cité dans Libération, Nicolas, un jeune cheminot, déclare:
un service garanti existe déjà. La SNCF doit payer des pénalités si un certain pourcentage de trains n'est pas assuré dans la journée"

Nicolas est-il notre champion? Oh que non! Car il n'y a rien d'incorrect dans ce qu'il dit. La région Ile-de-France a en effet mis en place un tel dispositif en accord avec la SNCF. Et ce dispositif a bel et bien été baptisé "service garanti." Le mammouth d'or (ou peut-être celui-là devrait-il être en platine?) est attribué collectivement aux concepteurs de cette mirifique idée! On ne saluera jamais assez les merveilles qui peuvent sortir d'une réunion paritaire entre politiciens trouillards, syndicalistes gaucho-corporatistes et technocrates arrogants.

Décryptons donc ce "service garanti"

1. Qu'est ce qui est "garanti" au juste? Soyons précis: rien.
D'après le dispositif, en cas de conflit entre la direction de la SNCF et les salariés, si l'une des parties - les salariés - déclenchent une grève qui paralyse totalement le réseau, l'autre partie - l'entreprise - doit payer une amende. Comme effet dissuasif, on a connu plus puissant! C'est un peu prêt aussi efficace que d'appliquer une retenue sur salaire aux guichetiers du péage d'une autoroute à chaque fois qu'un automobiliste dépasse la limite de vitesse sur ladite autoroute. Pas sûr que ça améliore beaucoup la sécurité routière...
Il n'y a donc rigoureusement rien dans ce dispositif qui garantisse aux usagers un niveau minimum de service.

2. Pire que cela, non seulement les cheminots ne sont pas empêchés de paralyser totalement le trafic (ce qui constituerait un véritable service minimum garanti), mais au contraire, ce dispositif les encourage à se mettre en grève! En effet, la menace d'une grève totale est encore plus effrayante qu'avant pour la SNCF: en cas de paralysie totale du réseau, non seulement l'entreprise subira les effets néfastes habituels d'un tel mouvement social, en terme de revenus et d'image, mais en plus elle devra payer une amende! La direction de l'entreprise, bonne gestionnaire, a donc encore plus intérêt qu'auparavant à céder aux revendications des syndicalistes qui menacent de faire grève, et ces derniers, fins stratèges, ont donc encore plus intérêt qu'auparavant à utiliser cette menace, et - bien sûr - à la mettre en oeuvre de temps à autre pour rester crédible. Prodigieux!

3. Et ce n'est pas tout! L'usager qui subit les désagréments - plus ou moins importants selon les cas - d'une grève des transports publics a au moins la satisfaction de se dire que quelqu'un est puni pour l'avoir mis dans cette situation. Gageons d'abord que cela lui est complètement égal, mais passons. Et demandons nous plutôt qui paye réellement cette fameuse amende? Réponse la SNCF. Oui, sauf que chaque année la SNCF accuse une lourde perte, et que le trou qui en résulte est systématiquement comblé par une subvention de l'Etat. L'amende pour non respect du service minimum vient donc creuser un peu plus cette perte et alourdir un peu plus la facture annuelle de l'Etat, et donc du contribuable qui n'est autre, vous l'avez compris, que notre brave usager... On touche au sublime!

Bon, c'est vrai, le point 3. ci-dessus est un peu spécieux. La SNCF paye la fameuse amende non pas à l'Etat, mais au STIF (Syndicat des Transports d'Ile de France, géré par la région Ile-de-France) En cas de grève des transports à Paris c'est donc en bonne partie le contribuable de province qui est sanctionné et qui doit verser une obole à la région Ile-de-France. On pourrait considérer que c'est encore plus stupide et plus choquant, mais n'en jetons plus et délectons nous plutôt du merveilleux spectacle qui s'annonce avec le festival du service minimum. Le jury des mammouths d'or risque de faire face à des choix difficiles pour désigner les lauréats.


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27 juillet 2007

 

Tour de France: la dernière chance?

Le départ sous les quolibets de Rasmussen marque-t-il, comme l’anticipe Libération ce matin “la mort du Tour”?

La mort de l’édition 2007, c’est une certitude, le classement général n’a plus aucun sens. Même si Contador était propre (rires enregistrés…) sa probable victoire devrait beaucoup au temps gagné lors d’echappées pendant lesquelles il profitait des relais surnaturels de Rasmussen.

La mort du Tour de France en général, peut-être pas. Il y a à mon avis encore un motif d’espoir. L’attitude des coureurs est en train de changer.


En 1998, suite a l’affaire Festina, les coureurs, sous l’impulsion de cette pharmacie ambulante de Jalabert, s’était mis “en grève” pendant une demi étape pour protester contre… les perquisitions de la brigade des stups, et donc contre la lutte anti-dopage. L’omerta était totale et le pauvre Christophe Basson appri lors des éditions suivantes le sort que réservent les mafieux à ceux qui les trahissent.

9 ans plus tard, contrairement à un lieu commun en vogue, bien des choses ont changé. Une partie significative du peloton se désolidarise des coureurs dopés. Et si, cette fois encore, une mini grève a été organisée c’était pour protester contre les dopés qui truquent la course et décrédibilisent les performances de tous. C’est un progrès immense.

Le dopage dans le cyclisme est le produit d’un système qui associe coureurs, médecins, organisateurs de course, dirigeants d’equipe, sponsors, média et public. Pour que le système s’effondre, il faut qu’un des maillons de la chaine fasse défaut. Oui, mais lequel?

Versac pense que les sponsors pourraient jouer ce role. Je n’y crois pas vraiment. Si un sponsors menace de se retirer à cause du dopage, il sera remplacé par un autre, moins regardant.

Les enterprises en quête de publicité bon marché, ce n’est pas une denrée rare. De même que les pharmaciens véreux, les dirigeants corrompus, et les spectateurs naifs.

Des denrées rares, dans le cyclisme, il n’y en a que deux: les coureurs et les chaines de télévision.

Evacuons rapidement les télés, tant la corruption morale semble être chez ceux qui y travaillent une seconde nature. Quand on pense que France Télévision, chaine de service public, emploie Laurent Jalabert, le Parrain du dopage organisé, comme consultant, on sait qu’il n’y a rien à espérer de ce coté là.

Reste donc les coureurs. S’il se confirme qu’ils sont prets à refuser le dopage, alors l’espoir existe car ils ne pourront pas etre remplacés facilement par d’autres. Il y a certes un grand nombre de jeunes sportifs qui ont les capacités physiques pour courir le Tour de France, mais combien parmi eux ont la volonté et la résistance a la souffrance nécessaire pour y parvenir? Pas beaucoup! Si les coureurs sont capables de s’organiser collectivement, par exemple en créant un syndicat, pour exiger un suivi médical ultra-strict et indépendant des fédérations et des équipes - de tous les coureurs participant au tour pendant toute l’année précédent l’épreuve, alors la crédibilite du tour pourra être restaurée.

Il est paradoxal que la responsabilité de mettre un terme à un système criminel repose sur les épaules de ses principales victimes, mais cela semble être notre seule chance de sauver ce monument de la culture populaire francaise qu’est le tour de France.
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25 juillet 2007

 

CNN et YouTube

Grande première hier soir sur CNN, les huits candidats à la candidature démocrate pour la prochaine élection présidentielle étaient interrogés en direct sur CNN par des internautes qui avaient préalablement enregistré leurs questions sur You Tube (video de 30 secondes max)

Ainsi décrit, le format de cette émission ne pouvait qu'inquiéter l'observateur avisé de la récente campagne présidentielle française. Ne s'agit-il pas d'un mix du soporifique "débat des socialistes" de l'automne 2006 et de l'abominable émission de TF1 "j'ai une question à vous poser" ? On pouvait légitimement s'attendre à un désastre.

Il n'en fut rien, et cela mérite quelques commentaires.



Sur la forme d'abord. Cette émission s'est révélée plutôt agréable à suivre, dynamique, un peu longue - 2 heures - mais jamais ennuyante. Voici quelques tentatives d'explication:

1. Le rythme. Je l'ai dit, les vidéo des questions ne duraient pas plus de 30 secondes. Et Anderson Cooper, le journaliste qui animait le plateau télé distribuait la parole rapidement sans en rajouter. De plus les temps de réponse des candidats étaient également limités. Dès que l'un d'entre eux dépassait 45 secondes, la caméra restait sur lui mais on entendait Anderson Cooper dire "time, time", ce qui amenait le candidat à sa conclusion avec une efficacité stupéfiante. Cela évitait les réponses à la Ségolène, avec des considérations sur l'accueil en crèche des enfants en bas age, la constitution européenne, la région Poitou-Charente et la politique artistique suite à une question sur le droit du travail.

2. L'absence de règles trop strictes. Pas de chronomètre pour mesurer l'égalité des temps de parole. Les trois favoris - Clinton, Obama et Edwards - ont plus parlé que les autres sans que cela ne constitue un drame. Peut-être pour la simple et bonne raison que la plupart des 3000 questions postées sur YouTube étaient destinées à ces candidats. Pas d'interdiction de s'adresser à un autre candidat à l'occasion d'une réponse à une question d'internaute. Lorsque cela se produisait Anderson Cooper se contentait de proposer un droit de réponse au candidat cité, qui sautait sur l'occasion qui lui était donné de s'exprimer plus.

3. La qualité d'élocution des huit orateurs. Pas de euh euh euuuuh à la Chirac, pas de néologisme foireux à la Ségolène, pas d'innovation grammaticale à la Bush.

4. La décontraction générale. Pas mal de petites blagues gentillettes, un peu d'autodérision, un vrai respect entre les candidats. La date très avancée du débat par rapport aux vote a sans doute beaucoup fait pour calmer les ardeurs belliqueuses.

5. La qualité formelle des questions. Ici le format YouTube a fait des merveilles. Les citoyens qui posaient les questions n'avaient pas à subir la pression du direct et devaient respecter l'exigence de concision. Certains ont par ailleurs su se faire remarquer par leur créativité - une question sur le réchauffement climatique a par exemple été posée par un bonhomme de neige - ce qui a contribué à rompre la monotonie du débat.

Sur le fond ensuite. Le bilan est plus contrasté. Il y a eu du bon et du moins bon.

La qualité d'ensemble des questions sélectionnées m'a semblé remarquable. Rien à voir avec le déluge de micro-plaintes catégorielles que nous a servies TF1 lors des numéros de "J'ai une question à vous poser" Cela s'explique de façon simple: ici ce sont les jurnalistes de CNN qui ont sélectionné environ 50 questions parmi les 3000 suggérées. Sur TF1 c'est un institut de sondage qui avait sélectionné 100 poseurs de questions, sans se demander quelles questions ils pourraient bien poser. Si le processus est honnête on a dans un cas un échantillon représentatif des questions posées et dans l'autre un échantillon représentatif des Français. Sur CNN on n'a pas eu une question sur Alzeihmer, une question sur le cancer du sein, une question sur la maladie de Parkinson... On a eu une simple question sur l'opportunité d'une assurance maladie universelle.

Ne soyons pas naïf. Le contrôle de CNN sur le choix des questions est total, et ce point a fait débat sur les blogs américains en amont de l'émission. Sans aller jusqu'à dire que le dispositif était parfait, j'estime qu'il était tout à fait satisfaisant. Certains ont exprimé la crainte de voir CNN choisir exactement la séquence de questions qu'aurait posée un journaliste politique classique dans un tel débat. Je crois que cette théorie assez cynique néglige un fait important: la transparence. Les journalistes de CNN n'ont pas choisi entre 3000 questions qu'eux seuls ont lues ou vues, mais entre 3000 questions mises à disposition de tous sur le web. Une manipulation grossière est donc très facilement détectable.

Incidemment, et cela avait déjà été constaté sur TF1, pas une seule question de politique politicienne ou de tactique. Je suis prêt à parier qu'il n'y en avait pas une parmi les 3000. Cela prouve bien que le format du débat a influé sur son contenu. La date de la retraite approche pour tous les Alain Duhamel du monde. Permettez moi de m'en réjouir.

La qualité des réponses, hélas, n'a pas toujours été à la hauteur. C'est la contrepartie d'une émission rythmée. Avec des réponses de moins d'une minute, difficile de faire passer plus qu'un message, difficile d'entrer dans les détails d'un vrai raisonnement. Ainsi Obama et Edwards se sont opposés sur leurs plans respectifs pour doter les américains d'une assurance santé universelle, hélas sans que ni l'un ni l'autre n'explique les spécificités de son plan. Pour le téléspectateur non averti, cela reste bien obscur. Même remarque sur les différents plans de retrait d'Irak proposés par les candidats. Ils en ont tous un, mais en quoi consistent-ils, en quoi diffèrent-ils les uns des autres? Difficile de se faire une idée!

Il ne fait pas de doute à mon avis que le nombre d'impétrants a altéré la qualité du débat. 8 participants, c'est beaucoup trop. Même s'ils se montrent disciplinés et respectueux de la parole des autres. Je serais curieux de voir ce que donnerait le même débat, avec le même nombre de questions, mais limité aux trois seuls candidats qui ont une réelle chance: Edwards, Clinton et Obama. Peut-être verra-t-on cela plus tard dans la campagne. Pour le moment il semble que les primaires jouent aux Etats-Unis le même rôle que le premier tour en France: celui de donner à tous les courants politiques l'occasion de s'exprimer et d'avoir accès aux média. Une telle phase est sans doute utile, mais il serait malsain qu'elle s'éternise trop longtemps.

Pour finir, un mot sur chacun des 8 candidats:

Mike Gravel: l'ancien sénateur de l'Alaska (77 ans), sans mandat depuis 1981, fut le moins intéressant des candidats. Il ne s'est guère distingué que par une attaque assez outrancière contre les liens entre les autres candidats et "wall street". Manifestement pas pris au sérieux par les 7 autres.

Joe Biden: Le Sénateur du Delaware fit une intervention courageuse sur la question Irakienne en rappelant à ses compétiteurs qu'il est physiquement impossible de rapatrier 160000 soldats américains déployés en Irak en moins d'un an. Il semble le plus compétent sur la question Irakienne.

Hillary Clinton: la sénatrice de New York, grande favorite, fait preuve d'un professionnalisme remarquable mais pêche à mon avis par un excès d'astuce politicienne pour répondre à coté des questions qui l'embarrassent. Elle est imperturbable, sérieuse, compétente, mais, comme l’a souligné une question-vidéo, elle n'incarne pas vraiment le renouveau! Remarquable réponse sur les questions relatives à son sexe. Ségolène devrait en prendre de la graine.

Bill Richardson: Le gouverneur du Nouveau Mexique n'a pas su tirer profit de son principal atout: il est le seul des candidats à ne pas vivre à Washington et à diriger un exécutif local. Quand on sait le rejet qu'inspirent les politiciens professionnels de Washington, c'est dommage.

Jonathan Edwards: L'ancien sénateur de la Caroline du Nord a été très bon sur la question de la lutte contre la pauvreté qui est au cœur de son programme, mais il a abusé des allusions à la personnalité de sa femme, très populaire aux Etats-Unis et qui lutte en ce moment contre un cancer.

Barrack Obama: La sénateur de l'Illinois, principal challenger d'Hillary Clinton, fait preuve d'un réel charisme et apporte une vraie fraîcheur. Contrairement à sa rivale, il se laisse parfois décontenancé. Mais il est capable de marquer des points grâce à son opposition dès 2003 à la guerre en Irak et grâce à son refus de recevoir des contributions des lobbies du pétrole, des compagnies d'assurance... Mon préféré.

Denis Kucinich: représentant de l'Ohio au congrès, il est le plus à gauche des candidats. Cela lui permet de marquer des points car il est le seul à avoir voté contre le Patriot Act. Mais cela lui en fait aussi perdre, notamment lorsqu'il réclame des réparations financières pour les descendants d'esclaves. Globalement il ne rend pas service au Parti Démocrate en affirmant que l'échec des démocrates à mettre un terme à la guerre en Irak depuis qu'ils ont repris la majorité au congrès en 2006 est une trahison de l'électorat. ce qui est techniquement inexact puisqu'une telle décision nécessite une majorité très large, incluant un nombre important de républicains.

Chris dodd: Le sénateur du Connecticut ne s'est pas vraiment distingué dans ce débat. Il nous a joué un coup de Bayrou en ventant sa capacité à faire travailler ensemble les meilleurs du Parti Démocrate et ceux du Parti Républicain.


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23 juillet 2007

 

Retour

Trouvé via Transnet, le très bon blog de Francis Pisani:
"The discipline of blogging, and the concomitant comments you receive from readers, will improve your thinking, researching, writing, editing, graphic design, and editing skills. You are in total control. You are writer, editor, publisher, and marketing expert. You have the freedom and responsibility for the entire production and distribution of your material.
...
I urge you all to seriously consider starting a blog tonight. It’s free and all it takes is about 5 minutes at most to start one."

Bien dit! Convaincu, je réactive aujourd'hui Sindelaar. Sans doute avec une tonalité légèrement différente, puisque je suis désormais installé à New York.

(J'espère tenir un petit peu plus longtemps que l'auteur du petit texte ci-dessus: cet extrait est issu de son premier post, il y a environ 15 jours, et le blog est aujourd'hui arrêté!)
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